• Un amour de tour(s) !

    Voilà encore une quinzaine qui s’achève sur le sempiternel débat autour des tours dans la capitale. Cette fois, c’est une réunion du Conseil de Paris en date du 08/VII/2008 qui fait trainer les hostilités, sans possibilité d’armistice à court terme.

    Le maire de Paris, Bertrand DELANOË, et sa majorité ont effectivement de nouveau plaidé pour l’érection dans plusieurs quartiers parisiens de tours de grande hauteur, respectant à la fois l’environnement (sic) et permettant d’aSeuil de 37 m à Paris pr les tours.ugmenter le seuil de construction, fixé depuis 2006 à 37 mètres. Ce qui, argument de poids aux yeux de la majorité socialiste, permettrait d’accroître les densités en intra-muros et d’offrir ainsi aux Parisiens près de 30 000 logements neufs supplémentaires.

    Je vous ai déjà parlé des lieux envisagés. Six seraient apparemment retenus, tous aux marges de la capitale : les quartiers de Bercy dans le XIIe arrondissement, de Masséna dans le XIIIe et des Batignolles dans le XVIIe et les portes de Versailles, de la Chapelle et de Montreuil respectivement dans les XVe, XVIIIe et XXe arrondissements (c.f photos). Outre les critiques communesLes tours à Paris. sur l’utilité et/ou l’implantation de ces futurs IGH, les Verts et l’UMP ont décidé de se positionner contre cette proposition, les premiers estimant qu’il est impossible de construire haut et « écolo », les seconds arguant que de telles constructions doivent être réservées en priorité à des activités économiques ou à de grands équipements publics, comme c’est le cas majoritairement à la Défense, et dans les CBD (Central business district) équivalents des grandes métropoles mondiales.

    Sous ces discussions concernant la révision du PLU (PlLes tours à Paris.an local d’urbanisme), se dégage en tout cas clairement la volonté de l’équipe municipale : marquer dans l’espace une vitalité parisienne retrouvée, après plusieurs années d’échecs et de ratés (JO, aménagement de la voirie, logements sociaux, déclin économique, etc.). Du reste, le maire de Paris ne s’y est pas trompé, lui qui a essayé dans cette histoire de se placer au-dessus de la mêlée en annonçant qu’il avait conscience de la « réticence des Parisiens devant l’idée même d’immeubles de très grandLes tours à Paris.e hauteur [mais] que le devoir d’un responsable public est de se laisser guider par le sens de l’intérêt général plutôt que par les sondages ». Opposition droite/gauche classique, opposition verts/socialistes parisiens également classique, rien donc de très original jusque là. Quant aux déclarations du maire, elles n’apparaissent guère très aventureuses si loin des prochaines échéances électorales d’importance.

    En revanche, ce qui est un peu plus déconcertant pour nous amateurs d’architecture et d’urbanisme et pour les habitants de Paris et de sa région que nous soLes tours à Paris.mmes, c’est le traitement de cette épineuse question par nos hommes politiques, mais aussi et surtout par nos médias, traditionnels relais des grandes décisions sociétales. Il plane comme une sorte d’étrange unanimité à ce sujet : pour le Moniteur, « Paris prend de la hauteur », pour le Parisien, « Paris voit haut et loin », pour Le Figaro, évidemment plus mesuré, « Paris dit oui à la construction de nouvelles tours », quant au journal Le Monde, il en appelle à « Réveiller Paris » par ce biais. Seul l’Express émet quelques réserves en titrant « Avec ses tours, Delanoë marche suLes tours à Paris.r des œufs ». Alors certes, dans le détail les articles se font plus critiques sur les projets envisagés en évoquant par exemple systématiquement l’opposition des Parisiens face à l’émergence d’IGH dans leur ville même, mais ils remettent quand même rarement en cause certains principes inhérents aux gratte-ciel et qui posent pourtant d’innombrables problèmes que l’on ne peut pas éluder (vie quotidienne en grande hauteur, consommation énergétique, coût d’entretien, insertion dans le tissu urbain préexistant, etc.). Quant à se souvenir des échecs répétés que représentent le Front de Seine, les Olympiades, la tour Montparnasse et pire encore les grands enseLes tours à Paris.mbles de la plupart des banlieues françaises, il y a un gué qu’ils ne semblent pas prêts à franchir.

    A tel point que certains architectes, parmi eux Denis DESSUS, Isabelle COSTE et David ORBACH, ont été obligés de prendre la plume afin de tempérer l’enthousiasme ambiant, en se demandant dubitatif « Bon Sang ! Mais, pourquoi veulent-ils tellement ces tours ? » (manifeste publié dans le Moniteur en date du 04/VII/2008), rappelant les diverses critiques émises à leur encontre et pourquoi elles ne doivent pas devenir une évidence systématique.

    Quant à savoir si Paris a besoin de tours, de ces tours là précisément*[1], implantées comme on le veut à l’heure actuelle, pour assurer sa vitalité au niveau international, cela reste à prouver. Le dynamisme d’une ville se mesure t-il donc aujourd’hui uniquement à l’aune du nombre ou de la hauteur de ses gratte-ciel ? N’y a t-il pas projet(s) urbanistique(s) plus ambitieux pour une ville-capitale comme Paris, avec le poids économique et démographique qu’on lui connaît déjà ?

    Quant à établir la filiation entre ce qui est envisagé eFront de Seine.t le Plan Voisin de 1924 du CORBU ou même les projets d’Auguste PERRET pour les Maréchaux, c’est pousser un peu loin. Ces derniers ne voulaient pas des tours pour dire d’en avoir. Le premier, par exemple, en voulait certes en plein cœur de la ville,  mais il n’en souhaitait que quelques-unes, à la hauteur maîtrisée, et surtout pour y former un centre administratif et tertiaire très puissant, baignant dans la verdure et représentant la colonne vertébrale d’un quartier aéré d’habitations basses qui elles-mêmes n’ont pas grand chose à voir avec les barres HLM de banlieue des années 1950 et 1960. Il concevait également ces IGH « light » comme des objets tout à la fois irrigués et irrigant niveau communication (centre de l’autodrome, stations et gares centrales côté métro et chemin de fer). En bref, et que l’on apprécie ou pas, c’est bien un nouveau mode de vie en ville, une nouvelle vision sociétale (jardins urbains particuliers, pratique de sports, réorganisation de l’emploi du temps quotidien, omniprésence de la voiture, encore synonyme de liberté, etc.) qu’envisageait l’architecte franco-suisse. Ce que sont loin de proposer les gratte-ciel que l’ont veut dans le Paris de demain, à l’exception peut-être de la tour Signal de NOUVEL qui, hélas, ne verra peut-être jamais le jour.

    A suivre…

    Eric BAIL pour èV_

    -----

    [1] Et même si certaines présentent indéniablement quelques atouts esthétiques réels.

    -----

    Vidéo du JT de France 2 sur le débat :

    -----

    Source photos : lefigaro.fr

    Photo 01 : Quartier Bercy-Poniatowski (XIIe) - Claude VASCONI.

    Photo 02 : Secteur Porte de la Chapelle (XVIIIe) - Olivier BRENAC et Xavier GONZALEZ.

    Photo 03 : Secteur Masséna-Bruneseau (XIIIe) - Anne DEMIANS.

    Photo 04 : Quartier Bercy-Poniatowski (XIIe) vu Philippe BARTHELEMY et Sylvain GRINO.

    Photo 05 : Secteur Masséna-Bruneseau (XIIIe) – Matthias SAUEBRUCH et Louisa HUTTON.
    Photo 06 : Secteur porte de la Chapelle (XVIIIe).

    Photo 07 : photographie personnelle du Front de Seine (XVe) – 14/VI/2008


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :