• Delanoë sort son triangle du coffre.

    Il y pensait depuis longtemps Bertrand DELANOË, et pas simplement en se rasant comme dirait le président (au temps où il ne l’était pas encore). C’est en tout cas désormais chose faite : une tour verra bien le jouTriangle.r prochainement à Paris, porte de Versailles. C’est ce que le maire de Paris vient en effet d’annoncer lors de la conférence de presse qui s’est tenue à l’hôtel de ville, le jeudi 25/IX/2008, en présence de l’architecte lauréat, Jacques HERZOG, décidément très à la fête en ce moment. Il s’agit, en tout cas, d’un véritable évènement dans la capitale puisque depuis une petite vingtaine d’années, aucun gratte-ciel d’importance n’y avait vu le jour en intra-muros*[1]. Même si, d’une part, cette tour ne ressemble finalement pas vraiment à une tour et que, d’autre part, elle émergera aux limites de la ville, pour ainsi dire même en banlieue.

    Bertrand aux pays des merveilles.

    Plus qu’une tour, le premier IGH parisien de l’ère DELANOË ressemble davantage à une pyramide (c.f ci-dessous), à base longue et étroite, et qui culmine à près de 200 mètres de haut (180 mètres précisément). Cette pyramide, surnommée « Triangle », doit offrir 70 000 m² de surfaces supplémentaireTriangle.s (logements, bureaux, commerces, terrasses, etc.) au sein du Parc des expositions de la porte de Versailles qui subit du même coup un petit lifting, puisque l’on parle du réaménagement de 17 000 m² aux alentours du nouveau bâtiment. Sa surface extérieure, plus classique, se pare, elle, de verre comme la plupart des gratte-ciel contemporains. Le tout devant commencer à sortir de terre à la fin de l’année 2009, pour une livraison prévue vers 2012/3.

    Cette silhouette si particulière, elle le doit en partie, selon les élus, le promoteur et le cabinet d’architecture, à la volonté de ne pas obstruer les vues et de « limiter l’ombre portée sur les voisins » (sic). Il paraît donc difficile, de prime abord, de ne pas approuver les choix annoncés, plutôt mesurés et raisonnés (d’autant que des concertations ont eu lieu avec les riverains) et de ne pas succomber au charme de la tour tant désirée par le maire de Paris. Au regard des premières images présentées, Triangle s’élève ainsi plutôt gracieusement au sein d’un Triangle.parc des expos où halls et hangars sans élégance dominaient jusqu’alors. Quant à sa finesse et à son emprise au sol relativement limitée, elles lui permettent de ne pas trop écraser le paysage du sud parisien.

    D’ailleurs, si quelques doutes vous assaillaient encore, après les annonces médiatiques qui ont suivi immédiatement la réunion de jeudi, aucune hésitation n’est désormais possible : la pyramide urbaine de DELANOË est somptueuse, le choix plus que judicieux, Triangle ne peut que plaire, et plaît déjà à tout le monde, y compris aux Parisiens et aux riverains de la porte de Versailles (JT de Canal + du soir par exemple). Une fois encore, et comme depuis le début dans cette affaire des tours à Paris, l’unanimité (au moins médiatique) prévaut. Toute la Gaule [et a fortiori tout Lutèce] paraît conquise. Toute ? NTriangle.on. Car, une poignée d’irréductibles résistent encore et toujours à l’enthousiasme ambiant qui commence tout de même à agacer. Le souci, c’est que ces critiques viennent essentiellement, un, du camp UMP, deux, des Verts parisiens (de Denis BAUPIN notamment), deux groupes qui ne portent pas le maire actuel de la capitale dans leur cœur. D’où la faible portée de celles-ci. Et du coup, on se retrouve presque dans « Bertrand au pays des merveilles », avec tout le respect que l’on doit à l’actuel locataire de l’Hôtel de Ville de Paris. Pourtant, des critiques constructives sur ce projet, il est aisé d’en soulever.

    Je déplace ma tour ici, et … échec et mat.

    Tout d’abord, croire que cette tour, enfin plutôt cette non-tour, est à elle seule capable de hisser notre bonne vieille capitale sur le podium, et modestie française oblige sur la première marche évidemment, des métropoles mondiales les plus dynamiques, c’est peut-être y aller un peu fort ! Il est impressionnant de constater ce qu’à peine deux cents mètres de béton et de verre peuvent avoir d'effets positifs sur une ville ! Je serais, en tout cas, tenté de proposer à tous les maires de France qui en ont assez de voir leur commune critiquée, délaissée ouTriangle. en crise, d’ériger eux-aussi un IGH pour voir leur(s) souci(s) s’évaporer comme par enchantement.

    Ensuite, pourquoi avoir choisi une telle forme ? Certes, le geste architectural peut paraître audacieux, certains le trouvent même sans doute osé, tandis que d’autres le trouveront probablement opportun pour la capitale que doit être Paris au XXIe siècle. Pourtant, ce choix ne l’a-t-il pas été surtout pour éviter l’affrontement avec les opposants des IGH dans Paris qui ne désarment toujours pas ? Triangle permettant à la fois d’affirmer concrètement dans le paysage parisien la volonté de Bertrand DELANOË, fidèle à ses convictions depuis 2001, tout en minorant son impact sur son environnement immédiat, et en évitant d’adopter les canons traditionnels de la tour urbaine. D’autant que, d’une part, et le maire de Paris l’a très bien à l’esprit, le monolithe n’a toujours pas la cote dans la capitale, l’opération Montparnasse n’étant jamais très loin*[2], et que, d’autre part, le choix du site d’implantation n’est guère sujet à polémiques : au sein d’un parc des expos en pleine mutation, et  aux marges les plus extrêmes de la capitale.

    Que dire ensuite de la révolution architecturale et urbanistique qu’était censé nous apporter Triangle, et que l’on nous annonce depuis que le débat sur les tours à Paris a refait surface il y a quelques années maintenant. La tour-pyramide du promoteur Unibail est encore une opération essentiellement commerTriangle.ciale, ce qui paraît évidemment tout à fait logique, des intérêts financiers colossaux étant en jeu. Et, si on nous annonce bien de nouvelles places publiques, des logements, des terrasses et des points de vue supplémentaires dans cet endroit de la capitale, nul doute que les commerces et les bureaux domineront dans le projet. Pour faire passer la pilule, le maire de Paris a alors insisté sur le caractère exclusivement privé de l’opération qui ne coûtera donc rien aux contribuables parisiens : argument choc qui écarte ainsi beaucoup de contre-arguments valables !

    Reste enfin sa situation géographique. Non pas que le XVe arrondissement et la porte de Versailles ne méritent pas de tels projets, au contraire*[3]. Mais tout de même, Triangle ne risque t-elle pas de se trouver à l’écart du reste de la ville qui bouge et bougera à l’avenir, comme un objet un peu posé au hasard et surtout au gré de l’espace encore disponible dans la capitale. Faisant du même coup l’impasse sur de nécessaires réflexions sur ce que doit être la ville de demain.  Difficile de répondre, même si Triangle peut aussi apparaître comme un pari dont le but est de dynamiser un espace qui ne se trouve que conjoncturellement animé. Seul l’avenir nous le dira.

    En tout cas, la première tour parisienne de DELANOË ne manque pas d’atouts, c’est certain. Et je le confesse, je serai sans doute l’un des premiers à l’admirer, à la gravir, et à profiter de ses terrasses et points de vue. Néanmoins, plutôt qu’un coup architecturalo-médiatique, il aurait sans doute été plus judicieux de repenser la ville préalablement, et de faire du futur projet le cœur de ce renouveau urbanistique que l’on nous promet maintenant depuis tant d’années. Rien n’est évidemment encore perdu, le chantier est loin de ses débuts, et de nombreuses autres tours sont annoncées ailleurs dans la capitale. Toutefois, si c’est avec ce genre de projets que l’on compte affronter l’après-pétrole, comme dirait Cyrano de Bergerac : « C’est un peu court jeune homme ».

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] L’une des dernières constructions hautes érigée en intra-muros le fut dans le cadre de l’opération « Front de Seine » dans le XVe arrondissement. Il s’agit de la tour Cristal qui date de 1990 et qui atteint les 98 mètres de haut.

    [2] D’où l’empressement avec lequel les architectes ont également souligné l’absence de dalle sur le site, insistant sur l’ancrage dans le sol de leur construction. Jussieu, le Front de Seine ou Maine-Montparnasse hantant toujours les esprits.

    [3] Le XVe est tout de même le plus peuplé des arrondissements parisiens et le parc des expos l’une des vitrines de Paris.

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    Triangle en vidéo :

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    Sources : éditions internet de tous les grands quotidiens et hebdos nationaux (leparisien.fr, lefigaro.fr, parisobs.com, etc.) ; paris.fr.

    Crédits photos : paris.fr.

    Nouvelle version du dimanche 23/VI/2010.


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