• 56Leonard Street : quand les architectes découvrent le Jenga.

    On ne présente désormais plus Jacques HERZOG et Pierre de MEURON, les architectes suisses qui ont réalisé le très atypique, mais néanmoins somptueux, stade de Pékin pour les dernières Olympiades, c56Leonard Street.onnu pour un temps encore sous le nom de nid d’oiseau. Leur imagination débordante pourrait faire émerger avant 2010, en plein cœur de Manhattan, un autre bâtiment tout aussi emblématique dans le paysage urbain contemporain, le « 56 Leonard Street » (c.f ci-contre), du nom de la rue où il sera implanté*[1]. Il s’agit en fait de créer, à New-York, une  nouvelle tour de cinquante-sept étages. Finalement, rien de très original me direz-vous dans une ville qui compte tant de gratte-ciel. Mais, la particularité du projet, car il y en a une, tient à la forme qu’ils comptent donner à ce futur bâtiment et qui est due à la sup56Leonard Street.erposition faussement anarchique des 145 appartements que comptera la tour. Ce qui rompt du coup avec l’image que l’on se fait traditionnellement d’un tel édifice, à savoir plutôt linéaire et monolithique.

    Et en regardant les premières images du projet, on se dit que les architectes suisses ont du s’éclater peu de temps avant de se mettre au travail au jeu de société « Jenga » qui consiste simplement à empiler les uns sur les autres de petits parallélépipèdes de bois que l’on a délicatement retirés de la base, sans mettre le tout à terre. Ce qui finit par créer des formes complètement délurées que l’on pensait bien ne jamais observer dans nos villes tant elles sont aux antipodes des codes architecturaux classiques. Si tant est qu’ils en existent encore, tant il est vrai que ces dernières années des bâtiments aux formes impensables il y a peu ont jailli ici ou là*[2]. En tout cas, ces « maisons empilées dans le ciel », selon les propres mots des architectes, dont les surfaces s’échelonneront d’une centaine à près de 600 m² pour les plus luxueuses*[3] et qui seront nous dit-on personnalisées à l’extrême, créent de par cet empilement désordonné, de véritables espaces extérieurs qui permettront aux habitants de s’ouvrir davantage sur leur ville. Tout en jouissant de terrasses aménageables plus que confortables.

    A la base de cette véritable caJenga.scade de verre, on trouvera une sculpture signée Anish KAPOOR (c.f ci-dessous), à qui l’on doit déjà la magnifique « goutte de mercure », la Cloud Gate, située dans le Millennium Park de Chicago*[4]. A New-York, le volume d’acier sphérique qu’il réalisera a été voulu afin de souligner l’imbrication de l’art/de la culture et de la ville.

    En tout cas, si l’on relève l’indéniable originalité de ce projet urbain, il faut toutefois signaler que Nicolas SCHÖFFER, un utopiste des années 1960, mort en 1992, avait imaginé pour la Défense une tour, non pas similaire, mais qui présente de nombreux points communs avec celle envisagée par les architectes suisses. Avec son « totem de l’an 1990 » qui devait atteindre 347 mètres de haut (c.f ci-dessous), il envisageait effectivement déjà la superposition de sept plates-formes au sein d’une structure d’acier géante avec de nombreux espaces en porte-à-faux comme des restaurants, des salles de conférences, des aires d’observation, etc. Le tout pouvant accueillir près de 15 000 personnes*[5]. Quant aux terrasses créées56Leonard Street par ce décalage structurel, et si chères au projet HERZOG/De MEURON, ne font-elles pas penser aux fameux lotissements fermés à alvéoles de Le CORBUSIER qui prévoyait de véritables jardins d’agrément de 50 m² suspendus et se juxtaposant les uns les autres. Endroits d’où, disait-il, « on mange, on cause et on se repose à l’air »*[6]. Finalement, seul le positionnement en Tour Totem.porte-à-faux des balcons du « 56 Léonard Street » diffère du projet de leur illustre prédécesseur et concitoyen. Ce qui souligne néanmoins au passage l’intérêt actuel des architectes pour la situation en porte-à-faux d’une partie de leur construction. Pensons notamment à l’hôtel réalisé à Barcelone par le Français Dominique PERRAULT et dont la façade ressemble à un de ces téléphones portables à façade coulissante.

    En tout cas, la cascade d’appartements des architectes suisses trouvera, n’en doutons pas, très rapidement sa place dans la jungle urbaine new-yorkaise.

    Eric BAIL pour èV_

    Note de nouvelle version (dimanche 13/VI/2010) :

    Lors de mon passage dans la « grosse pomme », fin avril/début mai 2010, la tour des architectes suisses n’était pas encore commencée.

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    [1] En réalité, il verra le jour au croisement de cette rue Leonard Street et de celle de Church Street.

    [2] Je pense bien sûr à la Taipei 101 (forme de bambou) ; à la tour du centre financier de Shanghai (forme de décapsuleur) ; ou à la Torre Agbar barcelonaise (phallus ou suppositoire c’est selon), mais il en existe bien d’autres évidemment.

    [3] Et qui se vendront entre 3,5 millions de $ (2 millions d’€) et 33 millions de $ (23 millions d’€).

    [4] Le blog archiact.fr vous en parlait dans le papier « A drop of mercury ».

    [5] Source : cahier de l’exposition « C’était l’an 2000, le Paris des utopistes », édité par la Mairie de Paris et qui reprend des pages d’un Paris-Match publié dans les années 1960, Paris, 1998, pages centrales ; voir également sur ce sujet ce lien intéressant.

    [6] Source : Le Corbusier, « Urbanisme », Paris, 1994, Champs Flammarion, pp. 194-197.

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    Sources : lemoniteur.fr ; archiportale.com (également pour les photos du projet).


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