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Vélib', "On te soutiendra... à mort" *[1].
Il fut incontestablement l’un des plus grands succès de l’année dernière (ndlr 2007) dans le domaine des transports, à l’origine peut-être d’une révolution des déplacements urbains, que les élus verts de la capitale appelèrent un temps « vélorution », j’ai nommé le vélo en libre service, de son petit nom parisien, le Vélib’. La commission européenne vient de lui décerner le deuxième prix du meilleur produit, dans le cadre des prix européens de l’environnement 2008.
Ce concept, appelé plus techniquement « cyclocit
y », et géré par le géant de l’affichage publicitaire et du mobilier urbain J-C. DECAUX, a connu ses premières heures de gloire loin de la Ville lumière. C’est ainsi que le Vélo’v lyonnais commença à arpenter les rues de la capitale des Gaules (et de Villeurbanne) dès 2005 et y a très vite rencontré le succès*[2]. La plupart des décideurs politiques franciliens ont longtemps estimé qu’un tel concept ne pouvait être transposable en l’état à Paris. Le faible espace disponible pour l’implantation des stations*[3], couplé au péril que représenterait le développement des déplacements cyclopédiques dans une ville comme Paris, à la circulation surabondante et à la chaussée non-adaptée, auraient fait péricliter rapidement l’expérience.
Force est de constater que plus d’un an après son entrée en service, toutes les analyses préalables sur la viabilité du système à Paris étaient erronées. Personne, y compris au sein de l’équipe DELANOË, n’avait envisagé une telle réussite. Vélib’ est littéralement plébiscité*[4] et le maire de Paris a aussi pu compter sur cette vague Vélib’ pour assurer sa réélection en avril dernier*[5]. Certaines villes de la première couronne, notamment des Hauts-de-Seine, se sont montrées très intéressées par une extension du système pour lever enfin la barrière du périphérique, au moins dans ce domaine. Pour le moment, rien n’a encore été fait. Toutefois, la création récente du secrétariat d’Etat au développement de la région capitale (vulgarisée sous le nom de Grand-Paris) pourrait accélérer les choses [la situation à désormais bien évolué, pour en savoir plus, consulter le papier « Vélib’ : direction la banlieue »].
Mais, puisque les bonnes choses ont toujours une fin, les chiffres du nombre de cyclistes parisiens victimes d'accidents de la circulation au premier trimestre 2008 viennent d’être publiés*[6]. Et, comme ceux de l’année dernière, ils ne sont pas bons, voire pires encore. Ils sont en augmentation de plus de 21 % par rapport à la même période de l’année dernière. Et on compte déjà près de 120 victimes fin III/2008, dont il est vrai aucun décès*[7] contre à peine une centaine l’année dernière à la même époque. Si on pouvait, lors de la première année, évoquer le lancement comme prétexte à l’accroissement du nombre d’incidents impliquant les cyclistes, on ne le peut plus aujourd’hui. De nombreuses voies de bus ont été aménagées, élargies pour faciliter la cohabitation des vélos, des taxis et des bus ; des couloirs réservés ont émergé un peu partout, tandis que de nouveaux travaux sont prévus. On ne pourra pas néanmoins éternellement modifier, bouleverser même, la chaussée pour faire diminuer les risques.
Ensuite, les différents usagers de la route ont désormais acquis leurs habitudes les uns par rapport aux autres, et il sera difficile de les faire changer. D’autant que les cyclistes, eux-mêmes, agissent parfois en ville comme s’ils étaient exemptés des règles du Code de la route. Il faudra donc opter pour d’autres solutions afin de vraiment faire du vélo en ville un moyen de transport sûr et ainsi faire changer durablement nos comportements. Car ce n’est que là qu’il deviendra une véritable alternative au tout automobile.
Tout n’est donc pas rose dans l’univers « vélibien », contrairement aux dires de certains qui désormais ne jurent plus que par lui. D’autant que l’on peut y ajouter d’autres problèmes, comme celui de la gestion du parc de vélos qui cause d’énormes soucis à la société Decaux : pas assez de vélos dans certaines stations, usure rapide des matériels, dégradations ou vols. Sans oublier les revendications salariales légitimes d’un personnel d’entretien et de régulation très sollicité. Ce qui pourrait à terme peut-être nuire à son développement, faute d’investissement de la part du gestionnaire.
Dans le langage cycliste, on pourrait dire que Vélib a su s’extirper du peloton, mais que pour concrétiser cette échappée, il lui reste à bien négocier le col de première catégorie.
Eric BAIL pour èV_
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[1] C’est vrai, la référence à l’une des plus célèbres phrases du fils du président est facile, mais j’ai trouvé qu’elle illustrait bien le contenu de l’article.
[2] Le service comptait plus de 60 000 abonnés (chiffres d’VI/2007) pour un total de plus de 33 millions de kilomètres parcourus (chiffres IV/2008). Source : velov.grandlyon.com (Newsletter n°29).
[3] Qui n’aurait de toute façon pas été possible, selon eux, dans les quartiers touristiques du centre au risque de nuire à l’image de la ville. Sans parler d’ailleurs du problème de la suppression des places de stationnement qu’elle aurait nécessairement induit, alors que celles-ci sont déjà si chères dans la capitale.
[4] Plus de 13 millions d’utilisation en II/08 et déjà 165 000 abonnés pour un an. Source : http://blog.velib.paris.fr/blog/?tag=chiffres
[5] Le succès du T3 n’y est pas étranger non plus (plus de 100 000 voyageurs par jour, et plus de 25 millions de voyageurs transportés depuis XII/2006), bien que ce projet ait été décidé avant l’arrivée de Bertrand Delanoë à la mairie en 2001.
[6] Source : leparisien.fr
[7] Pour deux morts sur toute l’année 2007.
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Photographie personnelle prise, devant le Castel Béranger de Hector GUIMARD, dans le XVIe arrondissement de Paris, le samedi 05/VI/2010.
Version du vendredi 11/VI/2010.
Tags : velib, vélorution, verts, velov
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