• C'est reparti pour un(e) tour.

    « Cachez cette tour que je ne saurais voir » : voilà ce que dirait sans doute Tartuffe aujourd’hui pour résumer le débat sans fin sur l’opportunité de construire, ou non, des IGH (Immeuble de grande hauteur) dans Paris intra-muros. Le lundi 16/VI/2008, lors d'une séance du Conseil de Paris, une énième prise de bec entre les groupes vert et socialiste a éclaté à ce sujet, sous le regard amusé des élus UMP de la capitale qui n’ont, il est vrai assez hypocritement, pas participé au débat. Les élus « écolo » ont demandé « l'organisation d'un référendum d'initiative locale » sur cette question. Tandis que Mme HIDALGO, première adjointe PS au maire de Paris chargée de l'urbanisme, leur reprochait dans le même temps de traiter celle-ci « de façon caricaturale ».

    Ce n’est pas que je sois un inconditionnel des IGH, surtout lorsqu’ils sont implantés sans aucune opération urbanistique d’envergure**, à l’image de la tour Montparnasse*[1], mais n’est-il tout de même pas temps d’outrepasser clivages et querelles intestines, pour faire enfin progresser les choses sur ce sujet*[2] ? On en est encore à discuter de la hauteur limite de construction toujours fixée par le PLU parisien*[3] à 37 petits mètres. Même si un tabou semble levé puisqu’on accepte enfin de parler de révision afin de la porter à plus « de 50 mètres [...] voire plus haut encore pour les activités économiques et les grands équipements publics ».

    Certes, les réticences seront encore nombreuses et il faudra probablement beaucoup de temps avant de parvenir à faire bouger les lignes. Car, pour le moment, dans l’esprit des hommes politiques locaux, mais aussi des Parisiens eux-mêmes, voir une Torre Agbar (tour signée Jean NOUVEL, à Barcelone) surgir de terre en plein cœur de leur cité demeure une gageure.

    Or, tant que ces constructions ne seront perçues comme bonnes que pour la banlieue (La Défense, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, etc.), ou pour les quartiers dits « périphériques » comme Masséna, la Chapelle, ou la porte de Versailles*[4], le débat ne pourra pas se tenir sereinement. Et Paris risque bien d’accumuler encore du retard par rapport à d’autres grandes métropoles mondiales qui pour beaucoup ne se posent même pas la question, à l’image des villes anglo-saxonnes. Que la décision soit d’ailleurs ou non favorable à l’implantation intra-muros d’IGH, car dans le cas contraire, ces atermoiements n’auront eu comme conséquences que d’affaiblir un peu plus l’économie parisienne en détournant les attentions des véritables questions.

    C’est ici que l’action d’échelons administratifs supérieurs efficaces, comme le Grand-Paris, pourrait être déterminante. Mais, pour le moment, eux aussi demeurent une gageure.

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Quoique la tour en elle-même, tant décriée, n’est guère plus horrible que beaucoup d’autres. Certains la trouvent même plutôt à leur goût : voir ce qu'en disait F. MITTERRAND (in Criticat #1) ou ce à quoi elle peut servir :

    En revanche, quand on observe les alentours, c’est une véritable catastrophe :

    ü  La tour apparaît comme un objet posé au milieu de nulle part, qui masque la gare, et qui de par sa très haute silhouette (elle demeure l'immeuble le plus haut de France à ce jour) bouleverse le paysage parisien : posez vous par exemple, comme le font les millions de touristes qui arpentent chaque année la capitale, sur le parvis du Trocadéro ou sous la Tour Eiffel et vous saisirez très vite l’absurdité de cet emplacement ;

    ü  Le centre commercial est peu visible, mal conçu avec un étage extérieur dont on saisit assez mal l’utilité. Surtout sa dégradation est telle que les travaux y sont presque perpétuels ;

    ü  La gare et son parvis sont inadaptés à un tel lieu d’échange. Et les tentatives pour réparer les dégâts initiaux ont connu peu de succès : comme la tentative de la SNCF de re-donner une véritable façade à la gare, pour lui conférer une identité visuelle claire, et la rendre identifiable.

    ü  Enfin, la voirie du quartier est chaotique et dangereuse pour le piéton. Descendre par exemple du bus « 28 » et vouloir rejoindre la rue de Rennes est un véritable parcours du combattant. Priez pour arriver en un seul morceau d’autant plus depuis l’aménagement en portion centrale des couloirs de bus du boulevard du Montparnasse.

    [2] On pourrait d’ailleurs dire exactement la même chose concernant le réaménagement du quartier des Halles.

    [3] Le Plan local d’urbanisme qui remplace le POS (Plan d’occupation des sols) est la véritable « bible » de la planification urbaine d’une commune, dans le respect du Code de l’urbanisme.

    [4] Même si l’argument selon lequel ces constructions seraient un bon moyen de constituer un lien, « une zone tampon entre la capitale et les communes limitrophes » est recevable.

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    Sources : paris.fr ; parisobs.com ; dailymotion.com

    **Après avoir lu le livre de Virginie LEFEVRE (références ci-dessous), je dois reconnaître, dans cette version corrigée, mon erreur initiale. L’opération Maine/Montparnasse étant tout sauf une opération urbaine non planifiée et de petite ampleur. Comme dirait le « Canard Enchaîné », pan sur le bec… Ne loupez en tout cas pas le livre de Mme LEFEVRE (Virginie), Paris-Ville moderne, Maine/Montparnasse, La Défense, Paris, Norma, 2003.

    Version du vendredi 11/VI/2010.


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