• Jussieu sur le gril ! (2/2).

    - Attention, il s’agit ici de la deuxième partie de l’article sur Jussieu -

    - LA PREMIERE EST CONSULTABLE EN CLIQUANT SUR CE LIEN -

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    On l’avait laissée en crise, on la retrouve en pleine restructuration. On parlait de démolition, on envisage aujourd’hui son extension. Jussieu renaît incontestablement depuis quelques années et il était temps. Ap4/transports.rès tant de projets et d’études avortés, alors que certains auraient sans doute pu entraîner sa renaissance ou sa revitalisation rapides, et après tant de déboires, comme la découverte d’amiante sur tout le site, à la fin des années 1990. Alors, certes, les décennies de retard accumulées ne pourront sans doute jamais être rattrapées et plusieurs milliers d’étudiants et de chercheurs en souffriront encore pendant de nombreuses années. Mais le mouvement semble désormais irréversible : le nouveau Jussieu est bel et bien arrivé ou du moins est-il en cours de livraison.

    Jussieu delenda est !

    La vitalité actuelle et retrouvée de Jussieu fait en tout cas complètement oublier les longues années de tergiversations qui ont suivi l’abandon du projet d’ALBERT dans le courant des années 1970. Epoque difficile où l’on se demande alors s’il est opportun de poursuivre l’idée originelle de l’architecte et compléter le gril, simplement la repenser et y apporter donc de légères retouches, ou bien en prendre le contre-pied total en détruisant le tout, ou en modifiant profondément la structure générale ?

    Et les trois décennies qui suivent (1970, 1980 et 1990) tournent constamment autour de ces questions sans réponse(s). D’autant plus difficiles à résoudre que les moyens de l’université française restent dans ces années plus que limités. Et, c’est l'une des raisons qui poussent nombre de ses détracteurs à réclamer corps et âmes sa destruction. Ce qui, de surcroît, couperait court à ces débats sans fin.

    En 4/transports.tout cas, Jussieu demeure constamment, pendant ces années, au cœur des préoccupations, démontrant tout l’intérêt porté au site. Chacun y va de sa petite proposition sur la question dans les milieux spécialisés. Même s’il s’agit peut-être aussi pour eux de se faire un nom ou de la publicité en proposant une idée originale et/ou forte pour un lieu emblématique de la capitale. Et même si, par un étrange paradoxe, cette époque pourtant marquée dans la capitale, pour le meilleur et/ou pour le pire, par les grands travaux (surtout mitterrandiens) la laisse étrangement irrémédiablement à l’écart, comme une belle endormie à laquelle il ne faut surtout pas toucher. Toutefois, une étape importante pour le campus, et sa survie, est franchie avec l’érection au coin nord-ouest de l’institut du monde arabe (IMA - photo ci-dessus), signé Jean NOUVEL, au début des années 1980. Ce dernier fait comprendre avec son projet qu’il est tout à fait possible de tirer le meilleur parti de l’existant, tout en ouvrant de nouvelles perspectives. L’IMA adopte, en effet, à la fois le même gabarit que les barres de CASSAN, tout en repensant le rapport de cette zone avec le reste de la ville, et notamment des quais. Et surtout, avec les propositions de NOUVEL pour le reste du campus*[1], l’architecte vient confirmer ce que les différentes propositions avant lui avaient déjà en grande partie souligné, à savoir que le pari ne peut être gagné que par la conception d’opérations urbanistiques d’envergure, et non plus exclusivement architecturales. Même si pa4/transports.rallèlement l’édification de bâtiments symboles (ce que rependra à son compte, bien plus tard, le cabinet « Périphériques » avec son Atrium ; c.f ci-dessus) demeure indispensable pour marquer, notamment les esprits. En tout cas, dès lors, la quasi-totalité des propositions qui suit, tend à repenser Jussieu dans son ensemble, en l’ancrant notamment plus solidement à la ville, aux quartiers qui l’entourent, et en lui conférant une échelle plus « humaine », moins monumentale*[2].

    Est-on enfin entré dans une nouvelle ère pour l’université, celle du déclin inexorable du « Jussieu delenda est » ? Pas si sûr. En effet, ses partisans ont encore de la voix et le prouvent quand éclate le scandale de l’amiante en 1996. Faisant repartir de plus belle la fronde anti-Jussieu. Néanmoins, même les plus ardents défenseurs de cette solution comprennent qu’il est bien impossible désormais de rayer de la carte un tel endroit qui rassemble tout de même nombre de chercheurs et universitaires français parmi les plus éminents dans leur discipline. Et si de nombreux débats, toujours aussi passionnés, ne manquent pas d’éclore dans ces années, l’avenir du campus s’éclaircit tout de même de plus en plus, notamment avec les décisions prises par les instances dirigeantes confirmant son désamiantage. Et si dix années sont encore nécessaires avant que ne débutent réellement ces travaux, il semble désormais acquis que Jussieu connaisse une nouvelle vie sans tourner le dos à son passé.

    Après la pluie, le beau temps !

    Et c’est vrai que les choses bougent enfin sur le campus, après ces années d’errements. A tel point que toute marche arrière paraît désormais bien impossible et que les décisions prises ont définitivement fait taire les défenseurs de la table rase qui n’avaient toujours pas désarmé. D’ailleurs, la tour Zamansky désossée et qui reçoit actuellement une nouvelle tunique flambant neuve, ose même les narguer en affichant fièrement sur ses panneaux le slogan suivant : « L’avenir est un présent que nous fait le passé » pour bien montrer que Jussieu est désormais installé(e) pour de bon dans le paysage parisien*[3].

    Mais, c’est bien l’ensemble du campus qui subit de4/transports. profondes transformations. Et d’abord le gril non achevé d’ALBERT, véritablement au petit soin. Progressivement désamianté, puis réaménagé par tranches, il se métamorphose esthétiquement. Et quiconque arrive par la rue Guy de la Brosse, perpendiculaire au campus, peut aisément le constater (photographie ci-dessous). Tandis que la dalle, elle, est profondément remaniée et réaménagée*[4]. L’objectif étant évidemment d’amarrer davantage l’université au quartier qui l’entoure. Ce qui passe par la destruction partielle de la dalle, notamment à proximité des tours de liaiso4/transports.n, permettant ainsi l’aménagement de pentes douces qui la relie directement à la voirie environnante. Alors certes, l’esprit initial de la séparation des circulations s’estompe avec ces lourdes restructurations, mais son organisation, sa perception (notamment auprès des riverains, mais aussi de ses utilisateurs), gagnent indéniablement en lisibilité.

    Quant au tristement célèbre  « no man’s land » qui sépare le gril d’ALBERT des barres de CASSAN, au nord, près des quais de Seine, il connaît un développement inédit. Et, on ne se contente désormais plus d’ériger ici ou là de simples constructions pour palier le manque criant de locaux. On crée, on planifie. C’est d’ailleurs ici qu’a été édifié le magnifique bâtiment coloré du cabinet « Périphériques Architectes », qui dévoile tout le potentiel que l’on peut dégager du lieu. Ce bâtiment, appelé l’Atrium, vient compléter partiellement le gril au sud, et le rend p4/transports.lus attrayant à un endroit où il repoussait il y a encore peu de temps. Sa trame extérieure et ses couleurs chatoyantes attirent les regards. Tandis que la pente douce et rougeâtre nous conduit doucement de la dalle à la rue, ou vice-versa, et ce, sans contraste violent (c.f ci-dessus). Et c’est également à cet endroit qu’est envisagé le projet « Pariparc », du même cabinet d’architecture, et qui pourrait encore accroître l’attractivité du campus. Voire le bouleverser durablement en créant ici la nouvelle entrée magistrale de l’université. Il ne serait alors plus si excentrique d’envisager combler l’entrée actuelle pour réorienter Jussieu sur les quais et la Seine, comme tant de projets l’ont déjà proposé dans le passé, et comme imaginé et planifié à l’origine.

    Evidemment, les puristes regretteront la dénaturation faite aux idées originelles. Confirmée également par l’aménagement récent de logements pour les étudiants, chercheurs, ou « erasmus » sur les pignons non terminés et longtemps délaissés au nord du gril. Ce qui souligne le renon4/transports.cement définitif à l’achèvement de ce dernier. Même s’ils pourront se consoler avec le départ, total et irréversible, de Paris VII-Denis Diderot vers un autre lieu de la capitale, le quartier Masséna/Rive gauche*[5]. Ce qui a réglé l’épineux problème qui n’a cessé d’agiter le campus depuis sa création, à savoir la cohabitation difficile, pour ne pas dire impossible, de deux universités antagonistes sur le même site. Alors qu’à l’origine, un seul grand pôle universitaire scientifique d’envergure devait occuper l’endroit.

    L’histoire de la faculté des sciences de Paris-Centre a donc été des plus mouvementées depuis une quarantaine d’années. Et, pour beaucoup, elle reste un échec monumental, inadaptée à ses fonctions. En tout cas, si nul ne sait encore aujourd’hui précisément ce qui se fera dans les années à venir, ni même si elle sera un jour enfin achevée, peu sont ceux qui osent désormais jouer les cassan[dre] !

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Ce dernier propose de noyer, comme d’autres l’avaient imaginé avant lui, le campus dans la verdure. Toutefois, originalité de son projet, il envisage de le faire par l’envahissement du jardin des plantes tout proche. La rue Cuvier disparaissant du même coup.

    [2] Parmi celles-ci, on trouve la mission MACARY, du nom de l’architecte-urbaniste M. MACARY, qui envisage par exemple des allées plantées ou une nouvelle continuité barres/gril ; ou encore, la réflexion AUTHEMAN, du nom de l’architecte chargé de l’étude, et datant de 1988, qui envisage l’aménagement de deux grandes voies, la première Est/Ouest, la seconde Nord/Sud. Plus d’infos, consulter l’article de Christian HOTTIN.

    [3] La nouvelle tour Zamansky a été inaugurée fin 2009, et s’il est vrai qu’elle est resplendissante, notamment en pleine nuit, elle s’écarte un peu de la tour d’origine (disparition de ses plaques de marbre de Carrare). Si vous voulez (un tout peu petit peu) plus d’informations sur celle-ci, un modeste (avant un plus gros) ouvrage a été édité, références : LAMARRE (François), La tour de Jussieu/Thierry VAN DE WYNGAERT, Paris, Archibooks (collection l’esprit du lieu architecture), 2010 ; 12,90 €.

    [4] Comme autour de la tour 16, c.f parisregards.fr.

    [5] Le site de Jussieu étant encore tout de même si fortement associé à Paris VII qu’en tapant « Jussieu » sur Goo…, vous tomberez encore sur le site internet de l'université Denis Diderot. Situation qui devrait sans doute perdurer un moment encore.

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    Sources : HOTTIN (Christian), « Jussieu l'inachevé, 50 ans de projets pour la faculté des sciences de Paris-centre », Livraisons d'histoire de l'architecture, n°13, IX/2007, pp. 23-51 ;

    Si vous voulez également lire un excellent article sur l’histoire de l’université de Jussieu, je ne saurais trop vous conseiller le papier de Bernard MARREY, paru dans le quatrième numéro de la revue Criticat (de IX/2008), et intitulé « Qui veut noyer Jussieu l’accuse de l’amiante », pp. 4-21.

    Crédits photos : photographies personnelles prises sur le campus en 2008 et 2009 (notamment au cours des journées du patrimoine en fin d’année).

    Première version du 10/X/2008 publié sur PériphériK ; remise à jour en date du mardi 08/VI/2010.


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