• Citadin, si tu ne viens pas à la campagne, la campagne ira à toi.

    Au mois de juillet dernier (ndlr, 2008), le Conseil de Paris lançait « un processus d’études, de débats et de concertation sur l’évolution du paysage urbain parisien », faisant suite notamment au Grenelle de l’environnement dans lequel la question du développement durable des villes était posée aTour vivante.vec insistance. Rarement depuis, cette question du devenir de la ville n’a autant occupé le devant de la scène. Les projets émergeant ici ou là, comme le Grand Paris en urbanisme, l’Arc-Express/Métrophérique ou l’Autolib’ dans les transports ou les Super Tower et autres projets d’IGH en architecture. Le but étant évidemment de faire face aux défis majeurs posés par le XXIe siècle naissant à toutes les grandes métropoles du monde. Et d’y répondre par la création d’une nouvelle, d’une autre civilisation urbaine.

    Pour certains, de plus en plus nombreux, celle-ci ne peut être fondée que sur la hauteur du bâti. Ce qui permet, un, de résoudre le problème de l’étalement spatial que connait la plupart des villes, et qui représente une véritable plaie pour l’environnement, et un coût non négligeable pour la communauté (voirie, infrastructures, entretien, etc.). Et permet, deux, en mêlant adroitement lieux de vie, de travail et deTour vivante. sociabilité, de limiter au maximum les déplacements urbains qui en plus d’être une importante source de pollution, représentent un non-sens dans une société où le pétrole se fait rare et devient par conséquent de plus en plus cher.

    L’atelier SOA Architectes pourrait, avec ses réflexions depuis maintenant près de trois ans sur la « Tour vivante », apporter une contribution déterminante dans cette conception du nouveau genre urbain. Il s’agit rien de moins que de créer en plein cœur des métropoles du futur de véritables « tours-fermes » qui combinent à la fois des logements, des bureaux, des commerces, divers services (crèches, médiathèques), mais aussi et surtout des productions maraîchères hors-sols. Un projet un peu fou qui est en tout cas aux antipodes du zoning si cher aux urbanistes du siècle précédent. La tour se développe sur 30 étages, pour 140 mètres de haut et 50 000 m², et se subdivise entre espaces spécialisés : 1/serres pour l’agriculture urbaine (7 000 m²) ; 2/logements (un peu plus de 11 000 m²) ; 3/bureaux et commerces (8 600 m² et 6 700 m²), etc. Elle accueille de surcroît éoliennes en terrasse et panneaux solaires en façade (plus de 4 000 m² annoncés) afin d’assurer son autonomie énergétique, tout en recyclant ses eaux usées et en puisant la chaleur dans le sol, à l’aide de puits canadiens. Son coût étant estimé à environ cent millions d’€ l’unité.

    Le cœur du projet réside évidemment dans ce Tour vivante.« poumon vert » réservé à l’agriculture hors-sol qui se ferait ainsi hors des aléas climatiques, et surtout sans utilisation de produits phytosanitaires. Une petite révolution bienvenue à l’heure où le changement climatique fait peser d’inquiétantes menaces sur les cultures du monde entier, et alors même qu’une utilisation excessive et abusive d’engrais et autres pesticides provoquent un appauvrissement des terres arables et menacent la biodiversité.

    Mais, en réalité, ce concept de fermes urbaines va bien au-delà de cette simple arrivée d’un bout de campagne en pleine cité. Il pourrait bien changer notre regard sur la ville, et bouleverser nos modes de vie. Déjà, l’agriculture en ville permettrait d’approvisionner directement les centres urbains en résolvant du même coup le problème du besoin sans cesse croissant de surfaces agricoles, qui ne sont pas extensibles à l’infini, et celui de l’acheminement de ces denrées qui est aujourd’hui aussi au cœur des problématiques du développement durable*[1]. Ensuite, cultiver en ville viendrait soulager nos surfaces cultivables qui en auraient grand besoin après tant de décennies de culture intensive qui ont complètement bouleversé les écosystèmes, et polluer durablement fleuves, rivières, nappes phréatiques et sols. Sans oublier qu’un tel système éviterait les défrichements destructeurs qui ne cessent de s’accélérer partout dans le monde. Les exemples brésiliens et indonésiens l’illustrantTour vivante. à merveille.

    Il y a quelques mois, le maire de Paris, Bertrand DELANOË, annonçait une véritable révolution urbaine et verticale pour Paris qui a été quelque peu déçue par la récente annonce de l’érection prochaine du Triangle porte de Versailles, davantage geste architectural que geste urbanistique d’envergure. Peut-être qu’il serait plus inspiré en décidant le lancement un jour d’un prototype (longtemps annoncé à Rennes d’ailleurs) de « tour vivante » sur l’un des sites que le Conseil de Paris avait retenu pour accueillir un ou plusieurs IGH. Ce qui, couplé à d’autres études et/ou expériences en cours, comme le projet Solar Drop (c.f ci-dessous) qui vise à assainir l’air tout en requalifiant certaines zones urbaines (dans le cas parisien, une partie de la petite ceinture), ou l’idée un temps émise par l’équipe municipale en place d’interdire le centre de la capitale aux véhicules lourds chargés de son appSolar Drop.rovisionnement*[2], pourrait déboucher sur cette cité post-industrielle que tout le monde appelle de ses vœux. Mais qui semble encore bien loin au vu des décisions récentes prises par les autorités dans ce domaine : invalidation des péages urbains, difficulté pour Autolib’, etc.

    En attendant, mieux vaut donc compter sur nos grandes surfaces impersonnelles dévoreuses d’espaces et nos voitures particulières polluantes pour assurer nos approvisionnements en tomates ou en fraises.

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Rappelons que les véhicules chargés du transport de ces denrées alimentaires arpentent essentiellement nos routes et autoroutes : ainsi, 80 % du tonnage transporté l’est par ce moyen de transport. Et en 2004, le tonnage transporté en tonne/km était cinq fois plus important par la route que par le rail. Chiffres in BRAUN (Bernard), COLLIGNON (Francis), « La France en fiches », Paris, Bréal, 2008 (6ème édition), 334 p.

    [2] Contraignant ces poids lourds à l’arrêt et au déchargement de leur cargaison dans des aires de stockage extra-urbaines (qu’il ne faut d’ailleurs pas reléguer en proche banlieue, mais bien plus loin encore, afin de ne pas ajouter de la frustration à la frustration). Des véhicules légers, électriques par exemple ou ferrés, peu importe la nature de l’énergie propre ou le mode de transport utilisés, se chargent ensuite de l’acheminement final aux destinataires.

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    Présentation vidéo du projet de « ferme urbaine » du cabinet SOA Architectes :

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    Source : dossier de presse soaarchitectes.fr

    Crédits photos : cyberarchi.com

    Nouvelle version du vendredi 11/VI/2010.


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