• Chaulnes toi-même !

    Qui se souvient encore aujourd’hui de Chaulnes ? Cette petite ville tranquille de la Somme qui fut soudainement propulsée au cœur de l’actualité en 2001 après avoir été choisie par le gouvernement de l’époque comme lieu d’implantation du troisième aéroport francilien.

    Probablement assez peu de Français ! Exceptées sans doute les populations qui habitent toujours à proximité des différents aéroports parisiens de Roissy-Charles-de-Gaulle, d’Orly ou du Bourget*[1]. Comme le relate un article publié récemment (en date du 11/VIII/20008) sur le site internet du Parisien, celles-ci ont du se résigner à accepter sans cesse davantage de nuisances sonores, du fait de l’augmentation du trafic aérien au-dessus de l’Ile-de-France.

    Un troisième aéroport sinon ... rien.

    Et pourtant un réel espoir naît au début des années 2000 parmi ces populations. Car, devant l’accroissement continu du trafic aérien à Roissy et Orly (on ne parlait pas encore du Bourget, ou très peu), les autorités françaises décident de lancer la construction d’une troisième plate-forme aéroportuaire d’importance internationale en Ile-de-France ou dans le bassin parisien. Après avoir étudié diverses possibilités (Picardie, Champagne, etc.), le premier ministre d’alors, Lionel JOSPIN, et son ministre des transports, Jean-Claude GAYSSOT, portent leur choix sur la petite ville de Chaulnes dans le département de la Somme, idéalement située entre Lille et Paris.

    Mais devant la contestation, et malgré les indéniables retombées économiques qu’une telle infrastructure n’aurait pas manquées de générer pour la commune et la région, le gouvernement fait rapidement marche arrière. Car, Chaulnes mobilisation.si à l’origine, cette fronde est simplement menée par les deux mille habitants de la ville et par plusieurs élus locaux inquiets pour leur tranquillité, la question prend très vite une autre tournure lorsque l’on apprend que quelques-uns des nombreux cimetières militaires de la première guerre mondiale qui constellent la région sont menacés par les travaux à venir. Ce que diverses associations, et surtout les nations qui ont envoyé les leurs combattre sur le sol français entre 1914 et 1918 ne peuvent accepter, à l’image de la Grande-Bretagne, du Canada ou de l’Australie.

    Du coup, face à l’importance de la mobilisation (pétitions, manifestations, appels, articles, etc.*[2]), la piste (sans mauvais jeu de mot) Chaulnes est abandonnée au profit/détriment d’un accroissement de la capacité de « CDG »  pourtant déjà au bord de l’asphyxie*[3]. Décision complétée par une série de mesures comme une meilleure répartition des flux entre les plates-formes existantes, une modification dans les approches des avions ou encore la redéfinition des couloirs de circulation aériens au-dessus de l’Ile-de-France.

    Alors, certes, cette décision, même précipitée par les évènements, ne peut guère être contestée, d’autant moins que la construction d’un aéroport à Chaulnes aurait indéniablement affaibli Roissy à une époque d’extrême concurrence internationale. Mais, fallait-il opter en contrepartie pour la solution de facilité qui consiste à ne rien faire, ou si peu ?

    Le Bourget est dans la place !

    D’autant que toutes les études montraient déjà à l’époque que le trafic, tant fret que passagers, ne cesserait de croître dans les années et décennies à venir. Et près de dix ans plus tard, la situation s’est effectivement aggravée en région parisienne. Et ce malgré l’accident du Concorde à Gonesse le 25/VII/2000 et les attentats du 11/IX/2001 à New-York qui ont, un temps, affecté la croissance dChaulnes mobilisation.u transport aérien. D’autant que parallèlement, la troisième plate-forme aéroportuaire d’Ile-de-France, le Bourget, est entrée dans la danse, et connaît à son tour une augmentation continue de son trafic. Au point de devenir le premier aéroport d’affaires d’Europe. Ainsi, selon les chiffres publiés par le site du Parisien, en 2007, ce sont près de 71 000 mouvements qui y ont été enregistrés, soit 10 % de trafic en plus sur une année. Et si les avions y sont plus petits, puisque l’aéroport de la Seine-Saint-Denis est réservé en grande partie aux vols « affaires », ils y volent aussi beaucoup plus bas, « 300 à 400 mètres d’altitude » selon Gérard SORIN, un des membres de l’association Rueil d’abord, Rueil futur.

    Evidemment, de nouvelles mesure(tte)s ont été prises pour tenter de limiter au maximum les nuisances pour les riverains et habitants des communes traversées. La DGAC (Direction générale de l’aviation civile*[4]), suite au Grenelle de l’environnement, a ainsi interdit les « décollages […] des appareils les plus bruyants entre 22h15 et 6h », et a relevé « l’altitude des avions qui arrivent face à l’Est […] de 600 à 900 m ».

    Mais finalement, cela ne contente personne. D’une part, les quelques décibels gagnés, à peine perceptibles, ne permettent guère de calmer les Franciliens concernés qui sont excédés par le nombre grandissant d’appareils qui passent au-dessus de leur tête. Et qui voient de surcroît d’un mauvais œil s’accélérer (même si les retards s’accumulent toujours) les livraisons aux différentes compagnies aériennes du gros-porteur d’Airbus, l’A380, annonçant unA380 AFe prochaine exploitation commerciale. D’autre part, de telles décisions risquent surtout à terme de nuire aux aéroports franciliens dans la lutte qu’ils livrent actuellement au niveau européen et international.

    Il serait donc intéressant de proposer aux urbanistes et architectes chargés par l’Elysée de travailler au Grand Paris, de réfléchir à la question pour que la région-capitale ne rate pas, dans ce domaine aussi, son décollage globalement déjà si difficile.

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] On estime le nombre de communes concernées à 2 300.

    [2] Je peux d’autant plus facilement en témoigner que l’un de mes amis proches, historien de la première guerre mondiale, a défendu becs et ongles sa position avec sa plume, mais aussi sur le terrain, et m’a relaté à maintes reprises comment s’est déroulée et organisée cette mobilisation qui devint progressivement nationale, puis internationale.

    [3] Roissy-Charles-de-Gaulle, avec ses soixante millions de passagers transportés annuellement, est le deuxième aéroport européen derrière Londres-Heathrow, et le troisième côté fret derrière Londres et Francfort. Il couvre plus de 3 200 ha et comporte déjà quatre pistes, pour 1 500 à 1 600 atterrissages et décollages quotidiens. Récemment, une nouvelle voie d’accès de un kilomètre entre les terminaux et les pistes a été inaugurée afin de limiter les délais d’attente avant le décollage. Elle a coûté 35 millions d’€. Sources : leparisien.fr (28/VIII/08) et aeroportsdeparis.fr (chiffres).

    [4] Il s’agit d’une administration du ministère de l’Ecologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Elle est chargée de la sécurité et de la sureté du trafic aérien en France. Elle assure la gestion des circulations aériennes, élabore et fait appliquer la réglementation des aéroports et compagnies dans l’hexagone. Elle veille également à réduire les nuisances, sonores et atmosphériques, générées par le transport aérien, et maintient le dialogue avec les élus et les riverains d’aéroports. Présentation issue du site aviation-civile.gouv.fr.

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    Photos : chaulnes.free.fr et leparisien.fr

    Version du vendredi 11/VI/2010.


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