• Il y a de cela quelques semaines, France 3 Île-de-France/Centre diffusait l’excellent documentaire de Frédéric BIAMONTI, « Le destin des Halles », datant de 2004. On y apprenait avec intérêt que les habVue générale Les Halles.itués de la piscine Suzanne Berlioux nageaient sans savoir que la voie express des Halles leur passait juste au-dessus de la tête. Tandis que la protubérance en béton qui surplombe les escalators menant à l'un des plus grands complexes cinématographiques parisiens*[1], et qui du même coup casse la perspective depuis la place Carré, en était le prolongement. On y découvrait ensuite derrière une porte tout à fait banale et surtout parfaitement accessible du premier sous-sol, une station de taxis, prévue initialement pour déposer et/ou reprendre les clients du forum, mais qui est restée totalement déserte. Avant qu’une autre porte (celle-ci verrouillée) ne nous fasse parvenir directement sur les quais de la station « Les Halles » de la ligne 4 du métro (direction Porte de Clignancourt).

    C'est justement cet enchevêtrement qui pose de sérieux problèmes quant à la rénovation du centre*[2]. Pourtant, cela n’empêchait pas le documentaire de se terminer sur une note tout à fait positive, à savoir, la désignation du lauréat du concours du réaménagement. On y annonçait même le début des travaux pour l’année 2008 ! Force est de constater que plus de quatre années se sont écoulées depuis et rien n’est encore définitivement acquis en la matière. On est même encore loin des premiers coups de pioches, de pelles ou de quoi que ce soit d’autres*[3].

    Alors, certes, on préfère désormais y regarder à deux foNouveau jardin des Halles.is avant de détruire quelque chose dans ce quartier encore traumatisé par la mise à terre des somptueux pavillons BALTARD dans les années 1970*[4]. Et, attitude louable, le maire de Paris et les équipes travaillant sur ce dossier ne veulent pas non plus renouer avec le temps où Jacques CHIRAC, autoproclamé architecte en chef, avait recalé le projet choisi par les Parisiens afin d’imposer ses propres vues. C’est pourquoi Bertrand DELANOË a décidé de prendre son temps sur cet épineux sujet et de consulter énormément les associations de riverains.

    Mais, du coup, en a résulté la non-décision du 15/XII/2004 sur le choix de la proposition déjà très consensuelle de David MANGIN (c.f photo ci-dessus). C’est-à-dire que son idée de carreau de verre transparent et suspendu était bien retenue afin notamment de réaménager les sous-sols du Forum*[5], mais son seul geste architectural en tant que tel,  lui, pourtant déjà minimaliste, n’était pas validé. Et un second concours sur l’architecture du carreau était même lancé dans la foulée par le maire de Paris qui rappelait, en jouant tout de même à l’équilibriste, que MANGIN bien que recalé restait associé à la réalisation du projet et devenait une sorte de conseiller spécial.

    Les « véritables » arJardin lalannechitectes du futur carreau ont depuis été désignés, il s’agit de Patrick BERGER et Jacques ANZIUTTI, et pourtant rien ne semble être davantage au point mort que la situation actuelle. On reporte sans cesse le début des travaux, et les différentes associations de riverains se font entendre et menacent désormais de porter l’affaire devant les tribunaux si on ne les écoute pas sur tel ou tel point, comme sur le déplacement du jardin Lalanne (mini lunapark pour enfants, photo ci-contre) situé à « l’entrée des vastes gradins censés relier la future grande pelouse à la place basse du Forum ».

    On serait tenté de croire qu’une sorte de malédiction pèse sur ce quartier depuis le XIXe siècle*[6], et on commence même à désespérer de voir un projet cohérent et pérenne sortir des cartons un jour. On cherche depuis longtemps à édifier dans la banlieue parisienne un « Hollywood » à la française, vu les péripéties et rebondissements qui caractérisent l’aménagement du cœur de Paris, on l’a peut-être trouvé. Espérons juste que comme dans le temple du cinéma américain, les histoires d’« Halles[ywood] » se terminent par une « happy end ».

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Il s’agit du multiplexe UGC Ciné-Cité Les Halles qui était en 2004 le premier ciné parisien (et français) en terme de fréquentation (3 159 000 entrées), devant l'UGC Bercy. Il se classe également troisième en Ile-de-France quant au nombre de fauteuils (plus de 3 200). Source : quid.fr

    [2] Dernier exemple en date, alors que les travaux pour le réaménagement du jardin ont débuté en surface (depuis début V/2010), les autorités compétentes (maîtres d’œuvre et d’ouvrage), ainsi que les architectes se sont aperçus que divers locaux techniques implantés sous dalle et formant de véritables verrues en surface représentaient un défi considérable en vue d’aplanir le terrain. Etape pourtant indispensable dans l’optique de la création du futur jardin et de la perspective que l’on comptait créer de la Halle aux Blés jusqu’à la rue de la Cossonnerie. Bilan : des avenants de plusieurs milliers d’€ supplémentaires passés (ça commence, même si cela est généralement courant dans le cadre d’un marché public) et un premier casse-tête à gérer, où recaser tout ça ! [Note de nouvelle version].

    [3] Les travaux en surface ont en réalité, enfin, débuté depuis début V/2010. Même si quelques soucis apparaissent déjà (voir ci-dessus), et qu’on l’on évoque également des interruptions plus ou moins prolongées du fait de divers recours en justice. [Note de nouvelle version].

    [4] Pavillons qui furent précipitamment détruits entre 1970 et 1973 pour laisser la  place au fameux trou des Halles avant que l’actuel Forum et les tristement célèbres « Parapluies » de WILLERVAL n’émergent du site en 1983. Un des pavillons (exemple ci-dessous, du temps de leur splendeur), le numéro 8 qui abritait le marché aux oeufs et aux volailles, a tout de même été sauvé et a été reconstruit à Nogent-sur-Marne en 1976 et somptueusement mis en valeur. Il a étéJardin lalanne classé depuis monument historique. Sa reconversion en salle de spectacles a largement démontré qu'il aurait été possible de transformer autrement les Halles de Paris, et ce même s'il fallait effectivement aérer le cœur historique de la capitale. En conserver quelques-unes au milieu de la verdure, comme le montre l'exemple nogentais, eu sans doute été la bonne solution.  Source : pavillonbaltard.fr

    [5] Pour amener clarté et luminosité dans le centre commercial et surtout dans le noeud de transport que représente la station Chatelet/Les Halles (lignes A, B et D du RER ; lignes 1, 4, 7, 11 et 14 du métro)

    [6] Voir à ce sujet l’anecdote rapportée par Michel RAGON au sujet de la désignation de BALTARD pour l’aménagement des Halles et les péripéties qui en découlèrent ; Baltard, le faussaire, pp. 240-245 in RAGON (Michel), Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes, t.1 Idéologies et pionniers 1800-1910, Paris, Editions du Seuil, 1991, 375 p.

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    *En complément, vous pouvez consulter le site internet des riverains qui comptent suivre les travaux ici ; ou divers ouvrages parus à l’occasion, comme celui sur la refonte du jardin, références : Collectif (BOUGNOUX Florence, FRITZ Jean-Marc, MANGIN David), Les Halles, villes intérieures, Paris, Parenthèses Editions, 2008, 180 p, ici.

    Sources (y compris pour les photographies, et photo/montages) : batiweb.com ; paris.fr ; internaute.com.

    Version du 28/VI/2008 publiée sur PériphériK, actualisée pour èV_ le jeudi 10/VI/2010.


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  • « Cachez cette tour que je ne saurais voir » : voilà ce que dirait sans doute Tartuffe aujourd’hui pour résumer le débat sans fin sur l’opportunité de construire, ou non, des IGH (Immeuble de grande hauteur) dans Paris intra-muros. Le lundi 16/VI/2008, lors d'une séance du Conseil de Paris, une énième prise de bec entre les groupes vert et socialiste a éclaté à ce sujet, sous le regard amusé des élus UMP de la capitale qui n’ont, il est vrai assez hypocritement, pas participé au débat. Les élus « écolo » ont demandé « l'organisation d'un référendum d'initiative locale » sur cette question. Tandis que Mme HIDALGO, première adjointe PS au maire de Paris chargée de l'urbanisme, leur reprochait dans le même temps de traiter celle-ci « de façon caricaturale ».

    Ce n’est pas que je sois un inconditionnel des IGH, surtout lorsqu’ils sont implantés sans aucune opération urbanistique d’envergure**, à l’image de la tour Montparnasse*[1], mais n’est-il tout de même pas temps d’outrepasser clivages et querelles intestines, pour faire enfin progresser les choses sur ce sujet*[2] ? On en est encore à discuter de la hauteur limite de construction toujours fixée par le PLU parisien*[3] à 37 petits mètres. Même si un tabou semble levé puisqu’on accepte enfin de parler de révision afin de la porter à plus « de 50 mètres [...] voire plus haut encore pour les activités économiques et les grands équipements publics ».

    Certes, les réticences seront encore nombreuses et il faudra probablement beaucoup de temps avant de parvenir à faire bouger les lignes. Car, pour le moment, dans l’esprit des hommes politiques locaux, mais aussi des Parisiens eux-mêmes, voir une Torre Agbar (tour signée Jean NOUVEL, à Barcelone) surgir de terre en plein cœur de leur cité demeure une gageure.

    Or, tant que ces constructions ne seront perçues comme bonnes que pour la banlieue (La Défense, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, etc.), ou pour les quartiers dits « périphériques » comme Masséna, la Chapelle, ou la porte de Versailles*[4], le débat ne pourra pas se tenir sereinement. Et Paris risque bien d’accumuler encore du retard par rapport à d’autres grandes métropoles mondiales qui pour beaucoup ne se posent même pas la question, à l’image des villes anglo-saxonnes. Que la décision soit d’ailleurs ou non favorable à l’implantation intra-muros d’IGH, car dans le cas contraire, ces atermoiements n’auront eu comme conséquences que d’affaiblir un peu plus l’économie parisienne en détournant les attentions des véritables questions.

    C’est ici que l’action d’échelons administratifs supérieurs efficaces, comme le Grand-Paris, pourrait être déterminante. Mais, pour le moment, eux aussi demeurent une gageure.

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Quoique la tour en elle-même, tant décriée, n’est guère plus horrible que beaucoup d’autres. Certains la trouvent même plutôt à leur goût : voir ce qu'en disait F. MITTERRAND (in Criticat #1) ou ce à quoi elle peut servir :

    En revanche, quand on observe les alentours, c’est une véritable catastrophe :

    ü  La tour apparaît comme un objet posé au milieu de nulle part, qui masque la gare, et qui de par sa très haute silhouette (elle demeure l'immeuble le plus haut de France à ce jour) bouleverse le paysage parisien : posez vous par exemple, comme le font les millions de touristes qui arpentent chaque année la capitale, sur le parvis du Trocadéro ou sous la Tour Eiffel et vous saisirez très vite l’absurdité de cet emplacement ;

    ü  Le centre commercial est peu visible, mal conçu avec un étage extérieur dont on saisit assez mal l’utilité. Surtout sa dégradation est telle que les travaux y sont presque perpétuels ;

    ü  La gare et son parvis sont inadaptés à un tel lieu d’échange. Et les tentatives pour réparer les dégâts initiaux ont connu peu de succès : comme la tentative de la SNCF de re-donner une véritable façade à la gare, pour lui conférer une identité visuelle claire, et la rendre identifiable.

    ü  Enfin, la voirie du quartier est chaotique et dangereuse pour le piéton. Descendre par exemple du bus « 28 » et vouloir rejoindre la rue de Rennes est un véritable parcours du combattant. Priez pour arriver en un seul morceau d’autant plus depuis l’aménagement en portion centrale des couloirs de bus du boulevard du Montparnasse.

    [2] On pourrait d’ailleurs dire exactement la même chose concernant le réaménagement du quartier des Halles.

    [3] Le Plan local d’urbanisme qui remplace le POS (Plan d’occupation des sols) est la véritable « bible » de la planification urbaine d’une commune, dans le respect du Code de l’urbanisme.

    [4] Même si l’argument selon lequel ces constructions seraient un bon moyen de constituer un lien, « une zone tampon entre la capitale et les communes limitrophes » est recevable.

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    Sources : paris.fr ; parisobs.com ; dailymotion.com

    **Après avoir lu le livre de Virginie LEFEVRE (références ci-dessous), je dois reconnaître, dans cette version corrigée, mon erreur initiale. L’opération Maine/Montparnasse étant tout sauf une opération urbaine non planifiée et de petite ampleur. Comme dirait le « Canard Enchaîné », pan sur le bec… Ne loupez en tout cas pas le livre de Mme LEFEVRE (Virginie), Paris-Ville moderne, Maine/Montparnasse, La Défense, Paris, Norma, 2003.

    Version du vendredi 11/VI/2010.


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  • L’annonce couperet de sa fermeture en 2005*[1] avait été un choc pour nombre de Parisiens, et surtout pour ses milliers de salariés, la Samaritaine*[2] pourrait finalement rouvrir si l’on en croit le récent communiqué de son propriétaire, la maison de luxe LVMH. Même s’ils sont encore nombreux à ne pas croire en une résurrection possible du Grand magasin du Ier arrondissement tant sa fin avait été précipitée et semblait irréversible. On en avaiFaçade Samaritaine.t même déjà fait un hôtel de luxe en cas de succès de la candidature parisienne à l’organisation des JO de 2012.

    LVMH vient pourtant de présenter un avant-projet en vue de l’aménagement du site, pour une réouverture prévue aux environs de 2013*[3]. S’il comprendra bien un hôtel de 14 000 m², il ne se cantonnera apparemment pas à cette seule activité. Des commerces devraient également voir le jour, sur la façade de la rue de Rivoli. Ce qui permet à la maison-mère de sauver les apparences en terme d’emplois et d’obtenir ainsi le soutien des élus du personnel, même si cette partie du projet ne devrait pas être la plus importante. Car, un pôle bureaux de plus de 25 000 m² (sur un total de 40 000 m²) occupera également les lieux. On y prévoit même quelques logements sociaux, ce qui en un tel endroit de la capitale est assez inédit. En attendant, on ne peut que se réjouir de voir l’un des joyaux « art déco » du cœur historique de Paris (signé Frantz JOURDAIN et Henri SAUVAGE) susciter encore de l’intérêt de la part des pontes de LVMH. Certes, quelque soit le type de projets, ils dénatureront inévitablement le lieu, mais le voir fermé est sans doute pire encore, enfin c’est ainsi que l’on se console !

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] C’est le 15/VI/2005 que le magasin avait subitement fermé ses portes pour des raisons de sécurité. Selon la direction, de lourds travaux, incompatibles avec une ouverture au public, étaient devenus indispensables.

    [2] Le magasin tient son nom de la pompe à eau qui était installée sur le pont Neuf voisin et qui était surmontée d’une représentation de la samaritaine.

    [3] 2011 avait été la date préalable annoncée au moment de la fermeture.

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    Photographie personnelle prise le vendredi 26/XII/2008.

    Version mise à jour en date du vendredi 11/VI/2010 (première version publiée le 14/VI/2008 sur PériphériK).


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  • Depuis toujours, urbanistes, architectes, utopistes, personnalités diverses (des arts, de la politique, de l’industrie, etc.) réfléchissent à ce que pourrait être la ville idéale, et ce dans le monde entier. Certains en sont restés à la théorie, tandis que d’autres mettaient concrètement en pratique leurs idées, même partiellement, même perverties par la réalité, et y ont connu la gloire, ou au contraire de retentissants échecs. Pour se limiter à trois exemples majeurs par sièSuper Tower.cle pour les trois qui viennent de s’écouler, nous pouvons évoquer Claude-Nicolas LEDOUX au XVIIIe avec ses salines d’Arc et Senans, Jean-Baptiste GODIN au XIXe avec son familistère de Guise ou Lucio COSTA au XXe avec son « plan pilote » de Brasilia. Mais nous pourrions également citer quelques autres illustres penseurs de la ville, comme par exemple les Français Charles FOURIER, Victor CONSIDÉRANT ou Auguste PERRET, le Franco-suisse Charles-Edouard JEANNERET, dit Le CORBUSIER, l’Anglais Robert OWEN, l’Italien Camillo SITTE, l’Américain Frank Lloyd WRIGHT, ou le Hollandais Rem KOOLHAAS.  Et la liste est évidemment loin d’être exhaustive.

    Le XXIe en cours pourrait bien avoir déjà trouvé son porte-étendard en la matière, à travers le projet un peu fou du cabinet Popular Architecture. L’idée : ériger en plein cœur de la très dynamique capitale britannique, de gigantesques tours gruyères, les « Super Tower », de plus de 1,5 kilomètre de haut, abritSuper Tower.ant chacune près de 100 000 personnes. Ainsi, sur un espace relativement restreint (comparatif en anglais ci-contre), de véritables villes dans la ville émergeraient concentrant en un seul lieu habitat, travail et zone de commerces. Ce qui permettrait d’apporter enfin une réponse à la question des déplacements pendulaires sans cesse plus nombreux et plus longs. Tout en résolvant l’épineux problème, dont découle le précédent, de l’extension continue du périurbain qui touche la quasi-totalité des grandes aires métropolitaines du monde, et qui demeure pourtant à l’heure actuelle la seule réponse viable apportée à la croissance urbaine*[1]. Popular Architecture réinvente en somme en 2008 le concept de « villes nouvelles » qui n’a guère jusqu’à présent prouvé son efficacité*[2].

    Côté architecture et structure, ces IGH (Immeubles de grande hauteur, bien qu’il faudrait plutôt utiliser le terme de ITGH, c’est-à-direSuper Tower. d’Immeubles de très grande hauteur) seraient percés régulièrement d’énormes ouvertures, protégées ou non par des verrières, et qui accueilleraient des parcs et jardins, des espaces de loisirs comme des terrains de sport ou des théâtres, des cafés et des bars. Afin d’assurer l’autonomie énergétique du bâti et de respecter au maximum l’environnement, des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des zones de retraitements des eux usées et des déchets, et des récupérateurs d’eau de pluie trouveraient également toute leur place en leur sein.

    Pour donner au projet une échelle un peu plus humaine, et fonder un véritable projet de civilisation, les concepteurs ont prévu de subdiviser ces immenses tours-cités en quartiers qui seraient peuplés d’environ 30/35 000 personnes, réparties sur 500 étages. Chacune de ces communautés aurait son nom, élirait ses représentants, en bref possèderait son identité propre.

    La ville se repense et devient tour afin de répSuper Tower.ondre aux défis majeurs qu’elle pose elle-même.

    Et de fait, on ne peut s’empêcher de penser au monde de 2381 décrit par Robert SILVERBERG, célèbre auteur de science-fiction américain, dans les « Monades urbaines » (couverture de la version poche ci-contre) où les Hommes vivent désormais dans des tours de mille étages et de 3 000 mètres de haut qu’ils ne quittent jamais et qui regroupent chacune 800 000 habitants. Un groupe d’étages reçoit le nom d’une ancienne ville de la Terre, et une stratification sociale y existe, les couches sociales aisées et dirigeantes occupant les derniers étages, avant qu’une piste d’atterrissage ne couronne le bâtiment. Chaque « monade » recycle ses déchets et produit son énergie. Ce système permet de n’occuper que 10 % de la surface du globe et de laisser le reste à l’agriculture qui doit quand même nourrir plus de 75 milliards d’individus. On résout de fait du même coup les problèmes de la surpopulation, de la croissance et de l’étalement urbains, et des moyens de subsistance.

    Et si on reste ici dans un scénario de pure fiction, il en va différemment pour le projet de Popular architecture qui se veut réalisable un jour. Et de fait, de très nombreuses critiques n’ont pas manqué de surgir sur ce dernier. Premièrement, il paraît techniquement difficile, voire impossible, Super Tower.de construire de pareils édifices. La Burj Tower de Dubaï et ses probables 800 mètres de haut*[3] semblent déjà flirter avec les limites du possible côté construction. Et le projet chinois de Bionic Tower et ses 1,2/1,6 kilomètre de hauteur est resté également pour l’instant profondément enfoui dans les cartons, faute de solutions techniques disponibles. Comment ensuite assurer une bonne fluidité des déplacements dans des structures tout en verticalité. D’une part, la rue comme on l’a conçue depuis des siècles n’existera plus et il faudra donc imaginer de nouveaux espaces publics, indispensables à la vie sociale. Et d’autre part, les ascenseurs devront y être nombreux, rapides, et surtout très sûrs tout en n’occupant pas une superficie trop conséquente dans le bâtiment. Ce qui réduirait d’autant l’espace disponible pour l’habitat par exemple. Ensuite, un grand nombre de problèmes se pose du point de vue de la sécurité. Depuis les attentats du 11/IX/2001 contre les Twin Towers de New-York, la grande hauteur peut faire peur, et aucune véritable parade n’a encore été trouvée contre des terroristes déterminés, si tenté que nous les imaginions un jour. D’autant que des tours de 1,5 kilomètre de haut seraient évidemment plus vulnérables que des constructions de 400 ou 500 mètres, à moins qu’il y ait quelques innovations majeures côté matériaux. Peut-on penser enfin que laisser ouvertes les gigantesques loggias comme le prévoit le cabinet d’architecture, soit réaliste. Que celles-ci se trouvent au 20e ou au 500e étage. N’oublions pas non plus le problème que posent les incendies dans ces Super Tower.structures très hautes, même si les concepteurs ont ici proposé une solution : réserver régulièrement des étages entiers aux soldats du feu.

    On pourrait enfin soulever deux autres problèmes majeurs qui restent en suspens, dont un fait débat depuis environ un siècle. Est-ce possible de vivre en permanence dans des immeubles à la taille aussi élevée ? Peut-on se sentir à l’aise dans de telles constructions et y a t-il des conséquences sur le corps humain, sur la santé de ses habitants ? Certains le pensent, rien n’a cependant été prouvé à l’heure actuelle. Quant à l’envie d’habiter de tels édifices, il s’agit d’une « vraie-fausse » question, surtout quand on sait par exemple que les taux de rotation dans les logements du quartier des Olympiades, dans le XIIIe arrondissement de la capitale française, sont l’un des plus bas du parc géré par l’OPAC de Paris. Les habitants avouent aimer leur tour, leur quartier (pourtant sur dalle) et apprécient la vue et la luminosité que leur offre la hauteur des bâtiments.

    Reste enfin un dernier problème, d’envergure également, celui de la construction proprement dite. Outre qu’aucun matériau ne permet actuellement de l’envisager, comme nous l’évoquions précédemment, il y a le coût prohibitif d’une tour type « Super Tower » londonienne. Alors même que l’érection d’un « simple » gratte-ciel de 200, 300 ou 400 mètres de haut aujourd’hui décourage parfois déjà certains promoteurs. A quoi il faut ajouter les coûts d’entretien d’une telle bâtisse qui seront peut-être dissuasifs pendant encore longtemps. Et puis, comment rentabiliser rapidement celle-ci s’il faut attendre plusieurs années,Super Tower. voire plus d’une décennie, avant que ne commencent à arriver les premiers occupants et donc les premières rentrées financières. A cela, Popular architecture a répondu que « la tour serait construite en plusieurs étapes de vingt étages pouvant être habités une fois construit [...] La hauteur finale de 1 500 mètres n’étant que le stade final d’un programme de construction de plusieurs phases ». Idée intéressante, originale mais impossible à mettre en œuvre concrètement. Qui peut imaginer vivre avec un chantier colossal, cyclopéen, au-dessus de la tête pendant plusieurs décennies. Les nuisances sonores, visuelles, et le danger que cela représente tout simplement pour les riverains (chute de matériels, affaissement de structures, etc.) condamnent donc pour le moment le projet du cabinet londonien.

    Mais, ce travail révolutionnaire pose toutefois les bases de ce que sera peut-être la ville de demain. Et si Londres et le Royaume-Uni sont de nouveau à la pointe des réflexions dans ce domaine, Paris et la France peuvent peut-être prendre une longueur d’avance avec l’érection prochaine de la Tour Signal à la Défense qui n’est autre qu’une mini « Super Tower ».

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] Si la moitié de la planète vit déjà en ville en 2008 (3,3 milliards d'individus sur 6/7 milliards d'Hommes). D'ici 2030, c'est plus de 80 % de la population mondiale qui vivra dans des aires urbaines, soit plus de cinq milliards de personnes. Sources : fonds des nations unies pour la population ; unfpa.org

    [2] Les villes nouvelles franciliennes (Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée ou Melun-Sénart) datant des années 1960 avaient comme principal objectif, mais non le seul, de rapprocher domicile et travail. Selon des conclusions récentes de chercheurs, "le taux moyen d'emploi dans ces villes nouvelles par rapport à la population active résidente est le même que celui de la région Ile-de-France, soit 93 %". Source : delouvrier.org

    [3] Longtemps, sa hauteur est restée secrète. Il semble qu’elle soit enfin fixée définitivement à 815 m. (avec antenne).

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    Source et crédits photos : populararchitecture.com.

    Nouvelle version en date du vendredi 11/VI/2010.


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  • 20 ans ! Cela va bientôt faire vingt longues années que la piscine Molitor, située dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, a fermé discrètement, mais non moins définitivement, ses portes*[1].

    C’est en passant une nouvelle fois devant cette vieille dame que je me suis rendu compte de son état de délabremPiscine Molitorent après toutes ces années. Certes, je ne l’ai jamais connue ouverte et pleine de vie, mais après dix ans passés dans le quartier (au lycée La Fontaine voisin) je me demande toujours pourquoi, en plein cœur de l’un des plus beaux quartiers de Paris, rien n’a été fait plus rapidement pour rouvrir un tel lieu.

    Je me suis longtemps dit qu’ils feraient mieux de la détruire afin de transformer l’endroit, selon mes humeurs, en vaste place publique, en immense parking pour les stades voisins (Parc des Princes, Jean Bouin et Roland Garros), en complexe hôtelier de luxe, en centre commercial, voire simplement en piscine digne de ce nom. On manque parfois d’imagination.

    Mais, j’ai appris depuis, et avec joie, qu’elle ne pourrait jamais disparaître du paysage du quartier puisqu’un décret l’avait inscrite au répertoire des monuments historiques en 1990, soit à peine un an après sa fermeture.

    Vingt ans auront néanmoins été nécessaires pour que la mairie de Paris annonce enfin sa réhabilitation. Trois propositions ont été déposées en ce sens à la fin de l’année 2007*[2], et c’est logiquement avant la fin du premier semestre de cette année qu’un candidat sera désigné pour réaliser le réaménagement du complexe entre 2010 et 2012/13.

    Alors certes, on peut se dire qu’il « vaut mieux tard que jamais » ou pousser un gros « ouf » de soulagement. Mais, une autre pensée nous vient également à l’esprit : si la même méthode prévaut pour un autre grand lieu parisien récemment fermé, à savoir la Samaritaine, on peut craindre le pire.

    Eric BAIL pour èV_

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    [1] A la fin de l’été 1989, en août précisément. Elle avait ouvert en 1929 et était composée de deux bassins, l’un d’hiver, couvert, et l’autre d’été qui se transformait également en patinoire au début de la saison hivernale. Source : piscine-molitor.com.

     [2] Colony Capital SAS, ICADE/CDC et GTM Bâtiment. Source : paris.fr

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    Photographie personnelle prise le jeudi 02/VII/2009.

    La première version de cet article a été mise en ligne sur PériphériK (mon ancien blog) le 08/VI/2008 ; cette mise à jour date du jeudi 10/VI/2010.

    A consulter également : Sauvez Moli 2 !.


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